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29 déc. 2014

Histoire d'une époque où le radium était du dernier chic

L'affiche de l'exposition au Musée
 historique de la pharmacie
, à Bâle.
Prolongée jusqu'au 28 février.
Exposition au Musée historique de la pharmacie à Bâle "Les deux visages de la radioactivité"...  "Il fut un temps où la radioactivité n’était pas associée à la maladie et la mort, mais, au contraire, à l’énergie et à la vie"... "Devenu argument marketing, le radium s’invite partout"... "bébé souriant, ravi de porter sa petite laine imprégnée de radium"... "montres radioluminescentes avec de la peinture au radium"... Ces mots nous rappellent "l'hystérie" de la technologie sans fil - qui émet elle aussi le rayonnement : des services mobiles protables comme les "smart pyjamas" pour bébés, les montres intelligents, ou Google Glass... L'histoire se répète ?

Histoire d'une époque où le radium était du dernier chic
par Lucie Monnat, 24heures, 24 décembre 2014

Une exposition raconte «les deux visages de la 
radioactivité». Il y a cent ans, les vertus de l’uranium étaient incontestées.

A l’évocation de la radioactivité ou du radium viennent à l’esprit les images du champignon nucléaire de Nagasaki ou d’enfants mal formés de Tchernobyl. Il fut un temps où la radioactivité n’était pas associée à la maladie et la mort, mais, au contraire, à l’énergie et à la vie. Le Musée historique de la pharmacie de Bâle retrace son histoire, de la découverte de l’uranium en 1789 jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.

L’histoire de la radioactivité a très bien commencé. La découverte des rayons X, en 1845, suscite l’enthousiasme du public. «Les photographies du squelette humain, directement à travers la chair, fascinaient les gens», raconte l’auteure de l’exposition, Christiane Valerius-Mahler. En 1898, Marie et Pierre Curie découvrent le radium, un élément hautement radioactif. C’est la célébrité. Marie Curie, première femme à recevoir deux Prix Nobel, devient un modèle.

L’«hystérie du radium»
On entre dans l’ère de l’«hystérie du radium». En Europe et aux États-Unis, l’élément est du dernier chic. En 1904, on joue sur les scènes de Broadway et des Folies-Bergère laDanse du radium, un spectacle ponctué d’effets spéciaux phosphorescents. «La radioactivité est alors perçue comme une force vitale offerte par la nature, explique Christiane Valerius-Mahler. Elle est associée à l’énergie, à la santé.» Devenu argument marketing, le radium s’invite partout: dentifrice, eau de Cologne, crèmes, poudre, rouges à lèvres, mais aussi cigarettes, vêtements et même des biscottes pour le petit-déjeuner! «Certains produits ont été vendus jusque dans les années 1960», ajoute Christiane Valerius-Mahler.

Sur les murs de l’exposition, des publicités rétro. L’une montre un bébé souriant, ravi de porter sa petite laine imprégnée de radium. L’affiche du dentifrice radioactif Doramad promet, quant à elle, d’offrir un «sourire rayonnant».

Des bains radioactifs
Grâce à ces produits, la clientèle est assurée de gagner en beauté, en jeunesse et, surtout, en santé. On prête à ce nouvel élixir de jouvence de grandes vertus médicales pour combattre arthrite, rhumatismes, douleurs menstruelles, asthme… La haute société s’offre des séjours dans des hôtels de luxe d’Allemagne et d’Autriche, spécialisés dans les cures radioactives. Les pensionnaires y ingurgitent eau et pastilles, prennent des bains ou des douches au gaz, le tout évidemment aromatisé au radium.

Les chercheurs nourrissent de grands espoirs pour la guérison des cancers. On réalise des expériences horrifiantes, à l’instar d’un masque prenant du nez jusqu’à la gorge, truffé de radium, pour venir à bout de tumeurs. «Dans certains cas, les tumeurs disparaissaient, puis revenaient sous une forme plus virulente quelques mois plus tard», raconte Christiane Valerius-Mahler.

On ignore si le radium était le déclencheur de ces nouvelles tumeurs ou s’il permettait de ralentir la maladie. Aujourd’hui encore, on ne connaît pas l’impact exact d’une surexposition à la radioactivité naturelle. «Il faut bien distinguer la radioactivité qui provient de la nature de celle produite par un réacteur nucléaire, explique Christiane Valerius-Mahler. Les doses sont incomparables. Aucune étude scientifique n’a réussi à établir avec certitude un lien de cause à effet avec des maladies.»

Évidemment, l’équation est différente pour ceux qui manipulent la matière brute. Marie Curie, outre ses sept fausses couches, a été malade toute sa vie. Elle-même soupçonnait le radium d’être la source de son mal et son mari avait averti du potentiel danger de l’élément. Mais ces inquiétudes restent longtemps méconnues du public.

Scandale révélateur
Les premiers scandales éclatent aux États-Unis, peu après la Première Guerre mondiale. De 1917 à 1926, l’United States Radium Corporation produit pour l’armée, sous mandat du Département de la défense, des montres radioluminescentes avec de la peinture au radium.

Quelques années plus tard, les ouvrières, désormais mariées et loin de la fabrique, tombent gravement malades. Entre 1920 et 1930, une quinzaine d’entre elles décèdent. Le procès qui suit est long et brutal, les preuves étant difficiles à réunir pour faire condamner les employeurs. La compagnie ferme toutefois ses portes en 1926 et les radium girls sont indemnisées en 1928. Très médiatisé, ce procès présente pour la première fois au monde les dangers de la radioactivité. On publie les premières études sur l’impact du radium sur la santé.

Peu à peu, on découvre des malades au sein d’autres entreprises de montres. Dans les années 1960, l’exploitation du radium en horlogerie est interdite par de nombreux pays. La Suisse suit en 1963. Les bombes nucléaires larguées pendant la Seconde Guerre mondiale et les accidents de centrales nucléaires achèvent de démolir la réputation de la radioactivité. De produit miracle, le radium passe pour agent de la mort. La radioactivité est cependant toujours utilisée en médecine: elle reste un excellent outil de diagnostic et nourrit, encore aujour­d’hui, les espoirs de quelques recherches médicales.

«Die zwei Gesichter der Radioaktivität», au Musée historique de la pharmacie, à Bâle. Prolongée jusqu’au 28 février.(24 heures)

http://www.24heures.ch/suisse/histoire-epoque-radium-dernier-chic/story/26169837

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