Mieux Prévenir

Comprendre le rapport entre la santé et l'environnement pour mieux protéger nos enfants et les générations futures.

6 mars 2017

Ondes électromagnétiques et autisme : Témoignage de la Dre Martha Herbert devant le Comité permanent de la santé du Parlement du Canada (avril 2015)

Comité permanent de la santé
Parlement du Canada

TÉMOIGNAGES
Le mardi 28 avril 2015

Dre Martha Herbert (professeure adjointe de neurologie, Harvard Medical School, Massachusetts General Hospital, à titre personnel)

[Elle témoigne via vidéoconférence.]

Dre Martha Herbert: Je m'appelle Martha Herbert et je vais vous parler du lien plausible entre l'autisme et l'exposition au rayonnement des fréquences radio. Je suis neurologue accréditée avec certification de compétences spéciales en neurologie pédiatrique et une spécialisation dans les troubles neurologiques du développement. Je fais également de la recherche scientifique en neurologie.

Je fais partie de la faculté de médecine de l'Université Harvard et du personnel du Massachusetts General Hospital en plus d'être affiliée au centre Martinos d'imagerie biomédicale de Harvard-MGH-MIT. J'ai une longue expérience de la recherche et de la pratique clinique dans le domaine des troubles neurologiques du développement, et tout particulièrement des troubles du spectre autistique, et j'ai publié des travaux de recherche sur l'imagerie cérébrale, les anomalies physiologiques associées aux troubles du spectre autistique et les influences environnementales qui s'exercent sur les troubles neurologiques du développement comme l'autisme ainsi que sur le développement et le fonctionnement du cerveau.



Je vais d'abord vous parler de la prévalence croissante de l'autisme, du nombre de cas enregistrés aux États-Unis et des coûts élevés qui s'ensuivent. Le nombre de diagnostics augmente rapidement en Amérique du Nord comme dans le reste du monde, ce qui affecte grandement tant les personnes touchées que les parents, les familles, les pourvoyeurs de soins, les collectivités et la société dans son ensemble. Aux États-Unis, le taux de prévalence est passé de trois à quatre cas sur 10 000 il y a 20 ans à plus d'un cas sur 68 aujourd'hui.

Les coûts annuels pour le traitement d'un enfant autiste peuvent atteindre entre 40 000 $ et 60 000 $ américains, et s'accumuler à hauteur de 1,2 million de dollars à 3,2 millions de dollars pour l'ensemble de la vie de la personne touchée. Le total des coûts annuels à ce chapitre atteint désormais quelque 240 milliards de dollars aux États-Unis. Le graphique montre bien que le taux de prévalence est monté en flèche au cours des 10 à 15 dernières années. Les chiffres fournis proviennent des CDC.
Le graphique de la page suivante illustre les nombreux facteurs associés à la prévalence des troubles du spectre autistique. Le phénomène est notamment attribuable à l'âge des parents, à une plus grande sensibilisation, à des diagnostics plus précis et au regroupement spatial. Il y a toutefois une forte proportion de la prévalence — 46 % suivant ce graphique, mais 65 % selon les travaux de l'University of California, Davis — qui ne peut être attribuée à des facteurs connus. On pourrait tout au moins penser que les influences environnementales pourraient être à l'origine d'une partie de ces cas.

Qu'est-ce que l'autisme? Pour bien des gens, il est difficile d'imaginer que des facteurs environnementaux puissent influer sur l'autisme. Cette réticence s'explique par des hypothèses bien ancrées qui veulent notamment que l'autisme soit génétiquement inscrit dans le cerveau dès la naissance ou la conception. Bien que de nombreux scientifiques s'appuient sur cette dernière hypothèse pour interpréter leurs données, elle n'a jamais elle-même été prouvée scientifiquement, car il est sans doute impossible de le faire.

De plus en plus d'observations scientifiques et cliniques nous portent à croire qu'il convient d'envisager l'autisme dans une perspective différente. L'autisme n'est pas une panne du cerveau. De nombreux autistes sont extrêmement doués, mais doivent composer avec des problèmes qui sont souvent d'ordre dyspraxique, c'est-à-dire liés à l'expression et à la coordination, plutôt qu'au manque de capacité ou à un dysfonctionnement purement génétique. Des centaines de gènes ont été associés à l'autisme. Ils sont également courants chez des personnes en santé. L'environnement a donc un grand rôle à jouer.

L'autisme n'est pas une condamnation à perpétuité. Les troubles qui y sont associés sont variables et peuvent évoluer. Ils peuvent s'aggraver ou s'atténuer en l'espace d'une seule journée, voire de quelques instants à peine. C'est une maladie qui est traitable et certaines personnes atteintes en viennent à ne plus être diagnostiquées comme telles. Il est fréquent que les autistes soient très intelligents. L'hypothèse désormais désuète voulant qu'une intelligence déficiente soit largement prédominante n'a jamais été prouvée et n'est pas conforme à la réalité.

L'autisme touche peut-être surtout les fonctions cérébrales, ce qui va dans le sens des observations concernant les champs électromagnétiques et le rayonnement des fréquences radio. Ainsi, il se trouve peut-être que l'autisme est d'abord un problème de fonctionnement cérébral déficient ou altéré, plutôt qu'une question de transformation de l'anatomie du cerveau. En effet, les différences anatomiques sont subtiles, alors que les distinctions fonctionnelles sont plus flagrantes.

L'autisme ne touche pas uniquement le cerveau. De nombreux systèmes sont en cause. Bien que l'autisme soit défini du point de vue psychologique par un ensemble de symptômes neurocognitifs, de nombreuses recherches ont révélé plusieurs perturbations physiologiques sous-jacentes au niveau des systèmes moléculaire, cellulaire, organique, cérébral et nerveux. Les chercheurs commencent à se pencher sur les effets néfastes de ces perturbations physiologiques sur le fonctionnement du cerveau.

(1630)
L'électrophysiologie, les ondes cérébrales et les autres propriétés électriques des systèmes nerveux central et autonome revêtent une importance toute particulière. Ce sont les caractéristiques chimiques et la santé des cellules cérébrales et nerveuses qui déterminent les modalités de fonctionnement du cerveau.

En fait, les transformations chimiques et physiologiques des cellules qui ont été décelées dans les cas d'autisme ont à peu près toutes été reliées aux effets des fréquences électromagnétiques, y compris le rayonnement des fréquences radio. L'exposition à d'autres facteurs environnementaux et des faiblesses génétiques peuvent aussi contribuer à la dégénérescence des fonctions cellulaires, mais c'est fort probablement l'effet cumulatif, la charge totale de ces facteurs de stress environnementaux qui est à l'origine de l'autisme, et qui déclenche ou exacerbe les difficultés de comportement qui y sont associées. Nous pouvons prendre des mesures pour contrer ces effets des champs électromagnétiques.

On peut donc se demander dans quelle mesure les champs électromagnétiques peuvent contribuer au développement ou à l'aggravation des troubles du spectre autistique. Avec ma collègue, Cindy Sage, j'ai rédigé un article sur la possibilité d'un lien pathophysiologique entre l'autisme et les champs électromagnétiques. Les parties 1 et 2 ont été publiées dans le numéro de juin 2013 de Pathophysiology, une revue scientifique à comité de lecture. Il est également accessible sur mon site web personnel (marthaherbert.org), et un résumé destiné à un public non spécialiste a récemment été publié dans la version en ligne du magazine Autism Notebook.
Tant dans la version longue que dans le résumé, nous avons établi des parallèles entre les dysfonctions observées chez les autistes et les effets biologiques des radiations électromagnétiques. Parmi les dommages constatés chez les personnes aux prises avec des troubles du spectre autistique, notons le stress oxydatif et cellulaire, la peroxydation lipidique des membranes et d'autres substances lipidiques, les réponses des protéines de stress, les modifications génétiques et les néomutations, l'altération de la structure et du fonctionnement des membranes et des parois, des perturbations des canaux calciques, et le malfonctionnement des jonctions cellulaires. Vous trouverez dans mon document un graphique illustrant de façon schématique les différents types de dommages pouvant être associés au niveau cellulaire aux troubles du spectre autistique. Vous constaterez qu'il y a dans presque tous les cas chevauchement avec les problèmes de fonctionnement cellulaire attribuables aux champs électromagnétiques ou au rayonnement des fréquences radio.

D'un point de vue plus général, il y a dégradation des systèmes fonctionnels pouvant être causée par les champs électromagnétiques et le rayonnement des fréquences radio tout en étant associée aux troubles du spectre autistique. Cela comprend notamment les dysfonctionnements énergétiques et métaboliques que l'on peut observer dans les mitochondries et dans le cerveau où le métabolisme du glucose est affecté, l'altération de fonctions importantes pendant la période périnatale et la petite enfance, la transformation de la structure des cellules cérébrales et les dommages qui s'ensuivent, et un dérèglement dans la production de mélatonine. Il faut savoir que la mélatonine peut atténuer les impacts des champs électromagnétiques et du rayonnement des fréquences radio, d'un dysfonctionnement immunologique et des transformations électrophysiologiques.

Je me dois absolument de souligner que les mêmes perturbations physiologiques peuvent être observées dans bon nombre d'autres maladies chroniques qui sont courantes et coûteuses. C'est le cas notamment du diabète, du cancer, de l'obésité, de l'hypertension et des maladies neurodégénératives. Les coûts cumulatifs associés à ces problèmes chroniques sont élevés à un point tel qu'ils mettent à mal nos systèmes de santé et nos capacités financières.

Les perturbations électrophysiologiques sont au coeur des troubles du spectre autistique et sont également des effets généraux importants des champs électromagnétiques et du rayonnement des fréquences radio. Un malfonctionnement moléculaire, cellulaire et physiologique du cerveau et du corps, combiné à un affaiblissement du système immunitaire, peut entraver les transmissions électriques entre le cerveau et le système nerveux. Les perturbations électrophysiologiques peuvent être associées à de nombreux problèmes de santé comme les convulsions et les crises épileptiques, les troubles du sommeil, les troubles du traitement sensoriel, la diminution de l'efficience cognitive et divers dérèglements comme l'augmentation du rythme cardiaque et la réactivité au stress. Ces problèmes sont observables chez bon nombre, voire la majorité, des personnes aux prises avec des troubles du spectre autistique. Qui plus est, ces effets, lorsqu'ils sont attribuables aux champs électromagnétiques et au rayonnement des fréquences radio, se produisent à des niveaux d'exposition nettement inférieurs à ceux prévus dans le Code de sécurité 6.

Parlons maintenant de la vulnérabilité des enfants. Les enfants ne sont pas de petits adultes. Ce sont des êtres en développement et les facteurs pouvant perturber les différentes étapes de ce développement peuvent avoir des répercussions pendant le reste de leur vie.

...

(1640)

[Ouvrir]
Le président: Je vous prie de m'excuser, Dre Herbert. Vous en êtes déjà à 11 minutes, ce qui dépasse un peu le temps alloué.
Pourriez-vous conclure rapidement, quitte à fournir de plus amples détails en réponse à des questions tout à l'heure?

[Ouvrir]
Dre Martha Herbert: Oui, certainement.
La tête d'un enfant présente des différences au chapitre des tissus et de la géométrie. L'utilisation d'un téléphone cellulaire par une personne de moins de 20 ans peut quintupler les risques de gliome et de neurinome de l'acoustique. En outre, les enfants y sont énormément exposés dans l'utérus de la mère et dès leur naissance. L'exposition concomitante à d'autres substances comme le plomb peut aggraver les conséquences.

En conclusion, la vulnérabilité des enfants et des personnes souffrant de maladies répandues et coûteuses devrait être une considération de tout premier plan dans toute discussion concernant les risques associés aux champs électromagnétiques et aux rayonnements des fréquences radio. Nous avons besoin de nouvelles normes publiques permettant de limiter les niveaux d'exposition autant que la situation le permet. Il existe de nombreuses précautions et mesures simples et pratiques que l'on peut prendre au quotidien pour minimiser l'exposition aux radiations. On devrait tout mettre en oeuvre pour que les gens soient sensibilisés à cette problématique en insistant sur la nécessité de réduire l'exposition chez les enfants. Il faudrait notamment interdire le sans fil dans les garderies et jusqu'à la 3e année du primaire, éteindre le réseau sans fil lorsqu'il n'est pas utilisé et interdire la publicité touchant les appareils sans fil destinés aux enfants.
Je vous remercie.

http://www.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?Mode=1&Parl=41&Ses=2&Language=F&DocId=7945128&File=0

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.