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18 avr. 2017

Suisse : Les antennes urbaines s’enterrent

Les antennes souterraines restent discrètes en milieu
urbain, comme ici, dans le centre de Zurich.
Regardez ce reportage de la RTS 19.30 du 12 avril 2017 : "Berne et Lausanne testent des antennes de téléphonie mobile placées sous terre"

Les antennes souterraines restent discrètes en milieu urbain, comme ici, dans le centre de Zurich.

Les antennes urbaines s’enterrent
par C. Genoud, H. Lehmann, P. Belanovic, N. Jamaly, D. Scanferla, E. Zimmermann, bulletin.ch 4/2017

Un réseau mobile plus dense et plus performant est déployé sans atteinte au paysage urbain

Pour répondre à la forte demande en termes de capacité sur le réseau mobile, Swisscom a eu l’idée d’installer des microcellules dans des chambres à câbles. Cette approche est devenue possible uniquement à la suite du développement d’une nouvelle antenne ayant des caractéristiques spécifiques.

Avec l’accroissement du nombre d’abonnements mobiles, l’arrivée des smartphones ainsi que l’offre importante d’applications, la demande en matière de services mobiles augmente massivement. La quantité de données transmises double en effet chaque année. Pour supporter cet accroissement, les opérateurs doivent constamment développer leur réseau.



De nombreuses stations de base atteignent aujourd’hui déjà leurs limites en termes de capacité. Puisque la réglementation concernant le rayonnement non ionisant ne permet pas d’augmenter la puissance d’émission de l’antenne, la construction de nouvelles stations est nécessaire pour faire face à l’augmentation de trafic. Mais l’acquisition de nouveaux sites est de plus en plus difficile, dure longtemps et le déploiement coûte très cher.

Une possibilité consiste à densifier le réseau en installant des microcellules, c’est-à-dire des stations de base à faible puissance d’émission. Leur couverture étant plus faible que celle des stations traditionnelles, elles doivent être déployées en plus grande quantité. Mais de nouveaux problèmes apparaissent avec ce déploiement de masse. D’une part, les coûts d’installation et d’exploitation doivent être assez bas pour que la solution soit viable. D’autre part, les cellules doivent s’intégrer dans les villes de manière à obtenir l’acceptation du public.

Une idée révolutionnaire 

Pour répondre à ces défis, une idée révolutionnaire a vu le jour chez Swisscom : installer les microcellules dans les chambres à câbles que l’entreprise possède à travers le pays.

Apparue au départ comme un peu folle et non réalisable, l’idée a tout de même été poursuivie et étudiée plus en détail. Des mesures effectuées avec du matériel disponible sur le marché ont montré que le principe fonctionne, mais que l’antenne constitue l’élément-clé de la solution et doit avoir des propriétés spécifiques. Les antennes traditionnelles dirigent l’énergie vers le ciel et non près du sol, là où les utilisateurs se trouvent. Comme aucune antenne n’offrait les propriétés requises, Swisscom a décidé d’en développer une et d’optimiser la propagation du signal pour l’adapter à une installation souterraine.

Naissance d’une antenne innovante 

Le développement de cette antenne unique a été une succession d’études théoriques, de simulations, de fabrications de prototypes suivies de mesures en laboratoire et sur le terrain. Les défis étaient d’ordre électromagnétique mais également mécanique. En effet, l’antenne doit non seulement avoir une caractéristique de rayonnement spécifique, mais elle est en plus installée dans le sol, dans des conditions environnementales difficiles : poussière, eau, différence de température. L’antenne doit également pouvoir supporter le poids des voitures et des camions.

Le développement a débuté en janvier 2014 par la création d’un prototype simple couvrant un spectre de fré- quences limité. Il a été imaginé et créé de toutes pièces dans les laboratoires de Swisscom Innovation. Ce prototype n’était pas assez robuste pour être installé à même le sol, son but étant uniquement de montrer la faisabilité du concept.

Après une phase d’étude théorique et de simulations, une antenne pouvant émettre un signal SISO (single-input, single-output) a été développée durant le printemps 2014. Son corps est monté dans un boîtier en métal, le tout fermé par un couvercle en matériau composite de manière à laisser passer le champ électromagnétique. Dans le cadre d’un premier pilote, cette antenne a été installée à trois emplacements en ville de Berne. Une campagne de mesures a montré que son fonctionnement était plus que satisfaisant.

Cependant, cette première antenne ne permettait pas d’atteindre le débit maximal offert par la technologie LTE. Pour cette raison, une deuxième antenne permettant l’exploitation de plusieurs ports (multiple-input, multiple-output, ou MIMO) a été développée. Le corps de l’antenne a été repensé et un plus grand soin a été apporté aux aspects mécaniques. Il est protégé par un boîtier étanche (IP68) en plastique installé sous un couvercle en matériau composite (figure 1).

Figure 1 Eléments constitutifs de l'antenna développée pour
une installation souterraine.

L’épaisseur du couvercle constitue l’un des plus grands défis du point de vue électromagnétique. Les ondes peuvent y être piégées et se dissiper. De plus, tout matériau composite placé à côté d’une structure rayonnante peut devenir source d’intermodulation. Le couvercle est l’élément qui a le plus influencé la forme finale du corps de l’antenne. Une polarisation verticale pour les 4 ports a été choisie : les réflexions à l’interface air-couvercle sont ainsi moins importantes. Puisque l’environnement crée des chemins multiples, de bonnes performances MIMO sont possibles avec une seule polarisation.

Le corps de l’antenne a été développé et adapté pour fonctionner au mieux avec le boîtier et le couvercle choisis. Ces différents éléments ne peuvent donc pas être modifiés indépendamment les uns des autres. Un système de fixation sur ressort a aussi été développé. Son but est de maintenir l’antenne et de la pousser contre le couvercle tout en atténuant les secousses dues au passage du trafic routier.

Le corps de l’antenne a été entièrement développé et patenté par des ingé- nieurs de Swisscom. Les premiers prototypes ont été construits dans une entreprise de mécanique bernoise. Le boîtier ainsi que le couvercle ont été développés en coopération avec des fournisseurs, Polieco pour le couvercle et Phoenix Mecano pour le boîtier. La conception s’est achevée en avril 2015.

Un minipuits pour plus de flexibilité 

Ericsson a développé une microcellule pour permettre son installation dans une chambre à câbles : la « Vault-mounted Remote Radio Unit (VmRRU) ». Son alimentation se fait à distance et une fibre optique la relie au central Swisscom.

Un nouveau minipuits est creusé à côté de la chambre à câbles pour y installer l’antenne reliée à la microcellule (figure  2). L’antenne n’est pas placée directement dans le couvercle de la chambre à câbles, d’une part, pour ne pas compliquer le travail des techniciens devant accéder à la chambre et, d’autre part, afin de pouvoir utiliser les différents types de chambres indépendamment de la taille et de la forme de leur couvercle.

Petite, robuste et prête à conquérir les villes 

Conçue pour être installée dans le sol, l’antenne a un diamètre d’environ 30  cm. Elle comprend un boîtier étanche scellé IP68 résistant à la poussière, à l’humidité et au sel (figure 3a) ainsi qu’un couvercle certifié EN  124- D400 capable de supporter 40 tonnes (figure 3b). Ce dernier sera disponible dans des couleurs différentes, lui permettant ainsi d’être facilement intégré dans les villes.

L’antenne supporte des fréquences allant de 1,7 à 2,7  GHz sur ses 4  ports ainsi que MIMO 4  x  4 pour obtenir les performances maximales de LTE. De plus, les véhicules parqués sur l’antenne, les piétons ainsi que la pluie, la neige et la glace ne dégradent que légè- rement les performances de l’antenne.

De nombreuses mesures en laboratoire et sur le terrain ont prouvé que l’antenne fonctionne. Pour l’industrialisation, Swisscom devait trouver un partenaire qui pouvait construire ses antennes. Plusieurs entreprises ont été approchées. Chacune a construit un prototype selon les schémas fournis par Swisscom. Chaque prototype a été testé et la qualité de sa fabrication contrôlée. Il a finalement été décidé de collaborer avec Kathrein qui a racheté le brevet déposé par Swisscom. De nouveaux développements menés de concert fin 2015 par les deux entreprises ont permis d’adapter l’antenne à la construction de masse.

La question des immissions 

Puisque des personnes peuvent passer directement sur l’antenne, la question de l’exposition aux champs électromagnétiques est justifiée. Une étude relative aux immissions de l’antenne a donc été mandatée à un laboratoire externe indépendant, la fondation IT’IS à Zurich. Des mesures et simulations « worst cases » montrent que les limites de débit d’absorption spécifique (DAS) sont respectées, et ce, même pour une personne se tenant debout, voire étant assise, directement sur l’antenne [1,2]. Pour cette raison, l’antenne a été officiellement approuvée pour être utilisée en Suisse par l’Office fédéral de l’environnement selon les normes DAS [3].

Onze chambres équipées dans trois villes 

Un essai pilote a été conduit début  2016 à Lausanne, Zurich et Bâle. Onze chambres à câbles ont été équipées d’une antenne et d’un VmRRU connecté au réseau mobile Swisscom. Chaque microcellule a été configurée pour opérer en LTE dans la fré- quence 2,6  GHz, 20  MHz et supporte MIMO 2  x  2. La limite de la puissance rayonnée (ERP) des microcellules en Suisse est de 6  W au total. Des mesures effectuées sur tous les sites ont montré de bonnes performances radio. Le débit de données dépasse 100  Mbps jusqu’à une distance de 50  m de l’antenne et atteint 150  Mbps à proximité. La valeur moyenne de la puissance reçue du signal reste bonne jusqu’à une distance de 100  m. De plus, le principe MIMO fonctionne parfaitement dans un milieu urbain et suburbain.

Ce pilote a également permis de tester l’installation et les processus d’autorisation et de construction.

Un déploiement plus rapide et moins onéreux 

Cette nouvelle solution offre des avantages à la fois pour Swisscom et pour les utilisateurs de services mobiles. Elle permet de réduire les coûts de déploiement et d’exploitation des microcellules. L’acquisition des sites est plus simple et plus rapide et les coûts de location sont plus bas. La connexion au central est plus facile à installer, voire déjà disponible.

Vu leur couverture légèrement plus faible, ces microcellules sont particulièrement bien adaptées lorsque le but est de fortement densifier le réseau. Elles permettent de limiter les interfé- rences entre cellules. Elles sont idéales pour des lieux à forte densité d’utilisateurs, tels que les centres-villes et les places avec restaurants et magasins.

Ce nouveau type de microcellule permet d’améliorer le réseau en offrant plus de capacité exactement là où les utilisateurs se trouvent. Le client a ainsi accès à un service plus performant. D’un point de vue urbanistique, cette nouvelle antenne permet en outre l’intégration des installations de télécommunications dans des cités historiques sans impact visuel négatif.

Cette innovation a été reconnue et récompensée par plusieurs prix dont le Rannys dans la catégorie « Best New Technology », le Global Telecoms caté- gorie « Small Cell Excellence » et le Fierce Innovation dans les catégories « Small Cell/HetNet » et « Best Network Transformation Platform ». Kathrein commercialise l’antenne pour Swisscom dans le monde entier sous le nom de « Kathrein Street Connect ». Plusieurs pilotes sont actuellement en cours et Swisscom prévoit de déployer ces microcellules dans différentes villes suisses.

Littérature complémentaire

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