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21 juil. 2017

"Je suis moins libre qu'un prisonnier"

Pour sortir, Gwenaëlle Kobyliansky enfile une
"burka" tissée avec du fil dârgent et porte des
lunettes spéciales. Cet équipement la protège
temporairement des ondes.  Aude Zuber
"Je suis moins libre qu'un prisonnier"
par Aude Zuber, journaldujura.ch, 17 juillet 2017

Devenue électrosensible à un degré sévère, Gwenaëlle Kobyliansky a vu sa vie radicalement changer.

Tout a commencé il y a une dizaine d’années. Lorsque Gwenaëlle Kobyliansky téléphonait depuis un portable, elle ressentait une faible douleur à l’oreille et sa mâchoire se paralysait. A ce stade, elle ne s’en est pas réellement inquiétée. Elle évitait simplement l’utilisation du mobile. Elle a continué à vivre normalement. Mais les choses ont empiré. Il y a quatre ans, sa famille a accueilli un étudiant qui a installé un réseau wifi. «Je trouve cette technologie pratique, alors j’ai volontiers accepté. Mais quatre jours après, je ne parvenais plus à marcher. Mon genou ne se levait plus. J’ai cru que je souffrais de rhumatisme», s’exclame Gwenaëlle Kobyliansky. Celle-ci est allée consulter une naturopathe qui lui a diagnostiqué une électrosensibilité.

Près de 5% des habitants du pays vivent le même calvaire que Gwenaëlle Kobyliansky. Ils affirment souffrir de symptômes causés par les ondes électromagnétiques. Maux de tête, épiderme et organes qui chauffent, fatigue, évanouissement, douleurs articulaires, irrigation plus lente du cerveau, pulsion suicidaire sont des maux souvent cités.

Une vie chamboulée

Face aux douleurs, Gwenaëlle Kobyliansky a été contrainte de modifier son comportement. Elle ne s’attardait par exemple plus dans les lieux où les ondes sont élevées. «Je ne peux plus rester à la bibliothèque de Bienne comme auparavant. Je prends les livres et je repars car les ondes wifi sont trop élevées pour moi. Et aujourd’hui, c’est encore pire. Je dois envoyer mon mari, car même en coup de vent, je m’évanouis», regrette-t-elle.

La vie en société est alors devenue compliquée mais restait encore possible. «En visite, je demandais à mes amis d’éteindre le wifi ou alors je ne restais pas longtemps chez eux», explique la Biennoise. Puis, le 28 mars dernier, son état s’est aggravé. Elle est devenue hyper-électrosensibilté. «Je ne pouvais plus me mouvoir. Les cinq jours qui ont suivi, j’étais complètement foutue», raconte-t-elle.
Combattante, elle a cherché conseil auprès de Sosthène Berger, un ami qui est également hyper-électrosensible. Celui-ci lui a recommandé de s’équiper d’un modem bio compatible, autrement dit pouvant s’éteindre. Ce qui lui permet de supprimer l’émission d’ondes. De cette manière, elle l’allume uniquement en cas de besoin, notamment pour téléphoner ou envoyer un mail.

Réactions de l’entourage

Du côté de ses proches, sa fille de 9 ans a immédiatement compris de quoi souffrait sa maman. Elle-même est sensible aux champs électromagnétiques. Son mari a mis davantage de temps à prendre conscience du problème. «Il a d’abord été influencé par certaines de nos connaissances qui affirmaient que le problème était dans ma tête et que je devais suivre une psychothérapie. Après avoir apposé sa main sur ma peau qui chauffait, il a compris et m’a soutenue», explique-t-elle.
Aujourd’hui, Gwenaëlle Kobyliansky vit isolée. Elle ne sort quasiment plus de chez elle. Ses fenêtres sont protégées par des couvertures de survie qui limitent la puissance des ondes provenant des installations des maisons voisines. Si elle est contrainte de sortir de chez elle, elle enfile une «burka» tissée avec du fil d’argent et porte des lunettes spéciales. Cet équipement la protège temporairement mais ne suffit pas lors d’une longue exposition. Le comble? «Lorsque je sors habillée de la sorte, il est arrivé qu’on me crache dessus en pensant que j’étais convertie à l’islam», s’indigne-t-elle.
Pour dormir, elle a également dû s’adapter, en déplaçant son lit à la cave, seul endroit où les ondes sont suffisamment faibles pour qu’elle ne ressente aucun symptôme.

L’un de ses plus grands sacrifices a été de renoncer à son métier. «J’étais musicienne professionnelle. Je donnais des concerts de violon, d’alto, d’orgue et de la violette anglaise un peu partout en Suisse. Ça a été extrêmement difficile d’être obligée d’arrêter», dit-elle la voix serrée. Si la musique est sa passion, elle était aussi sa principale source de revenus. Gwenaëlle Kobyliansky a travaillé dans une prison de la région. Elle y tenait l’orgue lors de célébrations religieuses. «Les prisonniers que je voyais lors des cultes avaient encore plus de liberté que moi aujourd’hui. Mais contrairement à eux, je n’ai commis aucun acte illicite.»

Une non-reconnnaisance

La Confédération ne reconnaît pas l’électrosensibilié comme un handicap. La Biennoise ne peut donc pas toucher de rente AI. Selon elle, ce n’est guère surprenant. «Les grandes entreprises de télécommunications et celles qui sont actives dans le domaine technologique exercent une pression non négligeable sur la Confédération. De plus, il y a de quoi remettre en question les résultats obtenus par les études portant sur les effets des ondes sur notre santé, car elles sont financées par des groupes comme Sony Ericsson», s’insurge-t-elle.

Pour améliorer la santé des électrosensibles, Gwenaëlle Kobyliansky propose une piste: «La Suisse compte 18000 antennes réparties sur tout le territoire. Si nous en mettions davantage mais avec une puissance très faible, cela ne provoquerait pas de symptômes auprès des électrosensibles.» Le hic? Installer davantage d’antennes coûterait plus cher.

La Biennoise ne se laisse pas aller pour autant. Elle continue à se projeter dans l’avenir. Elle prévoit de partir dans un pays en voie de développement. Contrairement aux pays européens, il existe ailleurs encore des vastes zones blanches, des territoires qui ne sont pas desservis par un réseau donné. Des lieux où elle pourrait revivre.

http://www.journaldujura.ch/nouvelles-en-ligne/region/je-suis-moins-libre-quun-prisonnier

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